Coavionnage en France : quel cadre juridique applicable ?
Les services de vols à frais partagés proposés par des plateformes Internet, appelés également coavionnage, tend à se développer sur le modèle du covoiturage.
En France, la DGAC s’est montrée plus que réservée face à ce nouveau phénomène, mettant en péril les plateformes Internet de coavionnage.
L’évolution de la position de la DGAC
Dans les conclusions du groupe de travail réuni par la DGAC publiées le 16 janvier 2016, la DGAC assimilait le coavionnage à un service de transport de passagers stoppant net le développement de cette activité. Elle imposait en effet aux plateformes de se doter d’un certificat de transport aérien ainsi que d’une licence d’exploitation…
De son côté, l’EASA (l’Agence européenne de sécurité aérienne) confirmait que le coavionnage entre dans le champ de l’aviation légère soumis au Règlement européen n°965/2012 du 5 octobre 2012 modifié. Ainsi, les vols à frais partagés sont assimilés à des vols non commerciaux.
Il résulte de l’article 6 4bis a) de ce règlement, les vols à frais partagés effectués par des particuliers peuvent être effectués conformément à l’annexe VII dudit règlement, par dérogation à l’article 5. Deux conditions sont dans ce cas requises :
– le coût direct du vol doit être réparti entre tous les occupants de l’appareil, y compris le pilote, et
– le nombre de personnes supportant le coût direct ne dépasse pas six.
La DGAC a finalement décidé d’assouplir sa position dans une décision portant consigne opérationnelle relative aux opérations de coavionnage organisées au travers d’une plate-forme Internet ou tout autre moyen de publicité et prise en application de l’article 14 du règlement CE n°216/2008 en date du 22 août 2016 (publiée au JORF du 24 août 2016).
Néanmoins, dans cette décision elle encadre strictement le coavionnage et pose les conditions suivantes, en sus de celles du règlement rappelées ci-dessus :
Tous les vols à frais partagés doivent être effectués de jour et en conditions météorologiques de vol à vue.
La DGAC distingue également deux types de vols :
- Les vols circulaires de moins de 30 minutes entre le décollage et l’atterrissage durant lesquels l’aéronef ne s’éloigne pas à plus de 40 kilomètres de son point de départ ; et
- Les vols de navigation.
Pour le premier type de vols, le pilote privé doit détenir une licence PPL et disposer d’une expérience de 200 heures de vol, dont 25 heures au cours des 12 derniers mois.
Pour le second type de vols, il doit en outre détenir soit une qualification de vol aux instruments soit une qualification d’instructeur. Dans ce cas, l’aéronef comprend des instruments de vol et de navigation et équipements associés requis selon le cas à la section NCO.IDE.A.120 (avion) ou NCO.IDE.H.120 (hélicoptère).
Il est encore prévu que les plateformes organisant les services de coavionnage doivent préciser clairement que les règles applicables au transport public ne sont pas applicables au vol partagé.
La problématique du coavionnage au niveau européen
Les Etats membres de l’union européenne ont pour la plupart suivi les préconisations de l’AESA et permettent le coavionnage sans conditions supplémentaires particulières. Il en va ainsi du Royaume-Uni par exemple où la CAA (Civil Aviation Authority) a publié des notices relatives aux vols à frais partagés introduisant sur le territoire britannique les dernières modifications au règlement européen n°965/2012.
La DGAC est de son côté allée plus loin. Elle impose son nouveau cadre – défini ci-dessus -à tous les vols effectués au départ ou à l’arrivée d’un aérodrome français (article 1er de la décision du 22 août 2016).
Il va sans dire que cette disposition va certainement restreindre la possibilité d’effectuer des vols partagés en provenance ou à destination d’un autre Etat membre. Les pilotes privés ressortissants d’un autre Etat membre devront alors respectés le nouveau cadre posé par la DGAC pour pouvoir se poser sur un aérodrome français…
Il appartient désormais à l’agence européenne de se prononcer sur la décision de la DGAC conformément au règlement CE n°216/2008.
Les plateformes françaises de coavionnage espèrent qu’au final la position de l’AESA, plus souple, l’emportera.
Quelle responsabilité en cas d’accident ?
Si d’un point de vue économique, le coavionnage se développe sur le modèle du covoiturage, en aucun cas le régime de responsabilité ne peut être comparé.
Les passagers d’un véhicule terrestre à moteur bénéficient en cas d’accident du régime très protecteur issu de la loi Badinter (responsabilité sans faute, statut particulier du passager, obligation d’assurance, etc.) et ils peuvent être indemnisés le cas échéant par le fonds de garantie (FGAO).
Il n’en va pas de même en matière aérienne, pour les vols non commerciaux.
L’article L.6421-4 du code des transports prévoit un régime de responsabilité bien particulier. En cas d’accident, la preuve de la faute du transporteur ou de ses préposés (donc ici le pilote) doit être rapportée, le vol à frais partagés pouvant être assimilé à un transport gratuit. Or, cette preuve de la faute du pilote s’avère assez difficile à démontrer en pratique.
L’assurance du pilote pourra éventuellement prendre en charge l’indemnisation du préjudice subi… selon les termes du contrat d’assurance. A défaut, il reste possible de recourir à la CIVI mais uniquement si une infraction pénale est établie.